Les troubles de la personnalité
Par:
Hélène Lebel
Richard Paquette
Psychologues, M.A.
PsychoMédia Senc
On estime que de 5 à 15% de la population adulte présente un
trouble de la personnalité. Nous avons probablement tous un ou quelques traits
de personnalité qu'il serait avantageux de modifier. Dans le trouble de
personnalité cependant, certains traits sont vraiment rigides et envahissants.
Ils amènent de la souffrance ou nuisent véritablement à l'adaptation et au
fonctionnement dans diverses situations.
Ce dossier touche une problématique qui est vaste et complexe.
Nous ne présentons qu'une brève synthèse qui vous aidera, nous l'espérons, à
mieux comprendre vos difficultés que vous souffriez d'un trouble de la
personnalité ou que vous ne présentiez que quelques traits qui vous nuisent
dans certaines situations.
à Qu'est-ce qu'un trouble de la personnalité?
Le DSM-IV (voir références), qui est la référence généralement
utilisée en Amérique du Nord, définit ainsi le trouble de la personnalité: Il
s'agit " d'un mode durable des conduites et de l'expérience vécue qui
dévie notablement de ce qui est attendu dans la culture de l'individu, qui est
envahissant et rigide, qui apparaît à l'adolescence ou au début de l'âge
adulte, qui est stable dans le temps et qui est source d'une souffrance ou
d'une altération du fonctionnement."
Les troubles de la personnalité sont définis par des
caractéristiques communément appelées traits de personnalité qui sont des
"modalités durables d'entrer en relation avec, de percevoir et de penser
son environnement et soi-même, qui se manifestent dans un large éventail de
situations sociales et professionnelles" (DSM-IV). Par exemples, la
méfiance, le perfectionnisme, le détachement par rapport aux relations sociales,
les croyances bizarres, l'impulsivité, etc. sont des traits de personnalité.
Les traits de personnalité ne sont considérés comme des
critères pour diagnostiquer des troubles que lorsqu'ils sont rigides et
inadaptés, c'est-à-dire qu'ils envahissent des situations personnelles et
sociales diverses et qu'ils entraînent une souffrance ou qu'ils nuisent au
fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.
Cette inflexibilité distingue la personne qui souffre d'un trouble de la
personnalité de la personne qui présente aussi des modalités durables de
fonctionnement mais dont les traits peuvent être plus flexibles et qui peut
varier son comportement pour mieux s'adapter à différentes situations. Par
ailleurs, la stabilité à travers les années et dans différentes situations est
un critère important pour le diagnostic d'un trouble de la personnalité. Les
traits de personnalité doivent ainsi être distingués des éléments qui
apparaissent pour une période limitée en réponse à des situations de stress
spécifiques. Ils doivent aussi être distingués des symptômes et réactions qui
sont dus à des états mentaux transitoires comme un trouble anxieux, un épisode
de dépression, un trouble psychotique, une intoxication par une substance,
etc.. Enfin ils doivent être distingués des caractéristiques associées à
l'appartenance à une culture ou une religion.
Le diagnostic de trouble de la personnalité est donc difficile
à poser car plusieurs aspects sont à considérer. Il est encore plus difficile
de s'autodiagnostiquer et ce, entre autres, parce que les traits qui
constituent les troubles ne sont, bien souvent, pas reconnus comme
problématiques par la personne qui les considère comme des façons naturelles et
inévitables de fonctionner (comme nous le verrons dans la section Modèle
cognitif, sous-section Rigidité des schémas). Il est donc souvent hasardeux de
s'autodiagnostiquer et parfois même nuisible car un autre trouble qui requiert
un traitement pourrait passer inaperçu. Si vous avez des difficultés sérieuses
à vous adapter, il vaut mieux s'assurer d'un diagnostic auprès d'un
professionnel de la santé (médecin ou psychologue).
à Quels sont les troubles de la personnalité ?
Le DSM-IV définit 10 troubles de la personnalité. La plupart
d'entre nous pouvons présenter quelques traits de quelques unes de ces
personnalités sans toutefois qu'il y ait lieu de diagnostiquer un ou des
troubles. D'autre part, il arrive que plus d'un trouble se retrouvent chez une
même personne. Nous présentons dans ce qui suit les critères qui permettent de
reconnaître chacun des 10 troubles de la personnalité. N'oubliez pas toutefois
que pour diagnostiquer un trouble particulier, il faut considérer les critères
généraux d'un trouble de la personnalité.
"La personnalité paranoïaque est caractérisée par une
méfiance soupçonneuse envers les autres dont les intentions sont interprétées
comme malveillantes."
"La personnalité schizoïde est caractérisée par un
détachement des relations sociales et une restriction de la variété des
expressions émotionnelles."
La personnalité schizotypique est caractérisée par des
compétences réduites dans les relations avec les proches, par des distorsions
cognitives et perceptuelles et des conduites excentriques."
"La personnalité antisociale est caractérisée par un mépris
et une transgression des droits d'autrui."
"La personnalité borderline est caractérisée par une
impulsivité marquée et une instabilité des relations interpersonnelles, de
l'image de soi et des affects." Ce trouble est souvent passablement
sévère.
"La personnalité histrionique est caractérisée par des
réponses émotionnelles excessives et une quête d'attention."
"La personnalité narcissique est caractérisée par des
fantaisies ou des comportements grandioses, un besoin d'être admiré et un
manque d'empathie."
"La personnalité évitante est caractérisée par une
inhibition sociale, par des sentiments de ne pas être à la hauteur et une
hypersensibilité au jugement négatif d'autrui."
"La personnalité dépendante est caractérisée par un
comportement soumis et "collant" lié à un besoin excessif d'être pris
en charge."
"La personnalité obsessionnelle-compulsive est
caractérisée par une préoccupation par l'ordre, la perfection et le
contrôle."
Le trouble de la personnalité non spécifié est une catégorie
prévue pour les cas où une personne rencontre les critères généraux d'un
trouble de la personnalité et présente des traits de plusieurs troubles
différents de la personnalité mais sans rencontrer complètement les critères
d'aucun trouble. Deux autres troubles de la personnalité ne sont pas reconnus
par le DSM-IV mais sont à l'étude: la personnalité dépressive (mode envahissant
de cognitions et de comportements dépressifs, à distinguer des diagnostics de
dépression comme tels) et la personnalité passive-agressive (mode envahissant
d'attitudes négativistes et de résistance passive aux demandes de fournir une
performance adéquate).
à Évolution
Un trouble de la personnalité peut habituellement être observé
dès l'adolescence ou le début de l'âge adulte et demeure relativement stable à
travers les années. Certains troubles ont tendance à s'estomper avec l'âge. Par
exemples, on observe souvent une amélioration chez la personnalité antisociale
après la trentaine alors que chez la personnalité borderline, on observe souvent
une plus grande stabilité dans les relations et le travail dans la quatrième et
la cinquième décennies. La personnalité évitante tendrait à s'estomper avec
l'âge. D'autres, comme les personnalités obsessionnelle-compulsive et
schizotypique, présentent habituellement moins d'amélioration. (Référence:
DSM-IV)
à Causes des troubles de la personnalité
Les traits de personnalité résultent de l'interaction de
facteurs (causes) biologiques et environnementaux.
Des études portant sur des jumeaux élevés dans des milieux
différents démontrent le caractère héréditaire de certains traits de
personnalité (Stein et Young, 1992, voir les références). Par ailleurs, les
progrès en neurochimie ont suscité un courant grandissant de recherches qui
visent à établir les liens entre les niveaux sanguins des trois principaux
neurotransmetteurs et des traits de caractère. Les traits de caractère
héréditaires constituent ce qui est appelé le tempérament. Le modèle de
Cloninger présenté en 1987 est encore influent (Souccar, 1995). Il propose que
le tempérament est fondé sur trois traits de caractère: la recherche de
nouveauté, l'inhibition et la sociabilité. Chaque trait est modulé par un
neurotransmetteur dosable dans le sang: la dopamine, la sérotonine et la
noradrénaline. Par exemple, un bas taux de sérotonine est associé à
l'impulsivité et à la violence. Des études montrent par ailleurs que la
manipulation des niveaux des neurotransmetteurs (par la prise de médicaments)
influe sur des comportements liés à certains traits.
Le tempérament (déterminé biologiquement) prédispose l'individu
à réagir à l'environnement. C'est l'interaction entre le tempérament et le
milieu de vie qui détermine le développement des traits de personnalité. Par
exemple, "un milieu affectueux et sûr peut faire d'un enfant naturellement
timide un enfant moyennement extroverti. Par ailleurs, des circonstances
gravement néfastes pourraient même abattre un enfant relativement
invulnérable." (Young
et Klosko, 1995). Les troubles de la personnalité se
développent généralement dans un milieu familial où des besoins essentiels de
l'enfant ne sont pas comblés (ex. sécurité, affection, encadrement, etc.). Dans
la section Modèle cognitif, nous présentons un modèle cognitif du développement
et du maintien des troubles de la personnalité.
à Modèle cognitif
Nous présentons les modèles cognitifs de A.T. Beck et J.E.
Young qui sont très influents actuellement autant dans les milieux de la
recherche que de la pratique clinique. Les exemples que nous donnons sont en
grande partie tirés de l'article de J.S. Beck (1996) et J.E. Young (1996) (voir
les références).
Stratégies sur-utilisées
Pour Beck, les troubles de la personnalité résultent d'une
surutilisation de stratégies ou de comportements adaptatifs et utiles pour la
survie de l'espèce tels: la compétition, la dépendance, l'évitement, la
résistance, la méfiance, la dramatisation, le contrôle, l'agression,
l'isolement et la grandiosité (self-aggrandizement). Alors que la personne
"en santé" utilise certaines de ces stratégies dans des circonstances
spécifiques, la personne présentant un trouble de la personnalité les
surutilise de façon rigide et compulsive même lorsqu'elles sont clairement
désavantageuses. Par exemple, il est adapté d'être méfiant et sur ses gardes
dans un coin très criminalisé d'une ville. Par contre, la personne paranoïaque
peut réagir de façon méfiante envers des gens même si les faits objectifs et sa
propre expérience lui indiquent qu'ils sont probablement dignes de confiance.
Cette rigidité dans les comportements ou les stratégies est sous-tendue par une
rigidité dans les façons de comprendre et de percevoir les situations.
Les schémas (croyances)
Le concept de "schéma", surtout introduit par Beck,
est central aux modèles cognitifs. Nous avons déjà présenté ce concept dans le
Dossier sur la Dépression (section Processus cognitifs). Les schémas sont les
croyances (connaissances) de base qui constituent la compréhension qu'a un
individu de lui-même, du monde et des autres. Ces croyances s'élaborent à
partir des expériences vécues au cours de la vie. Les expériences de l'enfance
sont particulièrement marquantes pour l'élaboration des schémas.
La personne "en santé" a des croyances de base
adaptées et relatives (je suis une personne raisonnablement compétente; le monde
présente des dangers mais est relativement sécure; les gens peuvent être
bienveillants, neutres ou malveillants envers moi, etc.). La personne qui
présente un trouble de la personnalité, au contraire, détient des croyances
extrêmes, négatives, globales et rigides (je suis incompétent, mon univers est
hors de mon contrôle, les gens sont indignes de confiance, etc.).
A un moment particulier, selon le contexte et les événements,
un schéma peut être activé ou il peut être "dormant" ou à quelque
part entre les deux. Une fois activé, un schéma (ou un ensemble de schémas)
constitue la base à partir de laquelle un individu interprète et réagit à la
réalité qu'il vit. Chez une personne présentant un trouble de la personnalité,
certains schémas sont activés, à tort, dans un très large éventail de
situation. Une personne présentant un trouble de la personnalité évitante, par
exemple, peut avoir un schéma de danger et de menace activé même lorsqu'elle se
trouve avec des gens supportants, ce qui influence alors l'interprétation des
agissements de ces gens (ils ne me trouvent pas intéressant). Cette
interprétation détermine ses réactions émotives (anxiété) et ses comportements
(retrait). Une personne narcissique peut se conduire de façon compétitive alors
qu'elle travaille dans un contexte égalitaire. La personne histrionique peut se
conduire de façon théâtrale dans une entrevue pour un emploi.
Chaque trouble de la personnalité repose sur un ensemble
spécifique de croyances et de comportements qui les accompagnent. Par exemple,
la personne dépendante croit qu'elle est incompétente et incapable de se
débrouiller seule. Alors, elle a tendance à surdévelopper des stratégies pour
compter sur les autres et éviter les décisions et les défis importants. Elle ne
développe pas suffisamment l'autonomie et la capacité de prendre des décisions.
La personne évitante croit qu'elle n'est pas digne d'amour ou de considération
et qu'elle est vulnérable. Elle a tendance à éviter l'intimité, les critiques
et les émotions désagréables. Elle manque d'ouverture, d'affirmation et de
tolérance émotionnelle. La personne obsessionnelle-compulsive croit que son
monde peut se désorganiser et met donc beaucoup d'emphase sur les règles, la
responsabilité et le contrôle. Elle manque de spontanéité, d'insouciance et de
flexibilité. La personne borderline partage plusieurs croyances rigides et
négatives avec d'autres troubles de personnalité (je suis inadéquat, je suis
fautif, je suis vulnérable, je suis impuissant, je vais être abandonné), ce qui
conduit à des comportements extrêmes.
Les schémas inadaptés de Young
Young identifie 18 schémas inadaptés, qu'il appelle des schémas
précoces d'inadaptation, qui sont sous-jacents à un ou plusieurs troubles de la
personnalité. Remarquez que quelqu'un peut toutefois posséder un ou quelques
uns de ces schémas à différents degrés (plus ou moins rigides et activés
facilement) sans rencontrer tous les critères pour qu'un trouble de la
personnalité puisse être diagnostiqué. Ces schémas se développent tôt dans
l'enfance selon l'expérience vécue et continuent à s'élaborer tout au long de
la vie en servant de base pour l'interprétation de la réalité. Ils sont pris
pour acquis et considérés comme irréfutables par la personne. Nous décrivons
plus loin (voir Rigidité des schémas) les mécanismes qui contribuent au
maintien des schémas de telle sorte que certaines problématiques qui ont leur
origine dans l'enfance peuvent se maintenir longtemps dans la vie adulte.
Nous présentons dans ce qui suit une brève description des 18
schémas de Young tels que présentés (traduits de l'américain) par Cottraux et
Blackburn dans " Thérapies cognitives des troubles de la personnalité
", pp. 73-77. Le livre " Je réinvente ma vie " présente de façon
beaucoup plus détaillée plusieurs de ces schémas (le modèle ne comprenait
alors, en 1993, que 12 schémas). Ces schémas sont regroupés en cinq domaines.
Vous trouverez un questionnaire (en anglais) qui peut vous
aider à identifier les schémas qui vous concernent. Cottraux et Blackburn
présentent une traduction française de ce questionnaire.
SCHÉMAS PRÉCOCES DE SÉPARATION ET DE REJET
La certitude que ses besoins de sécurité, de stabilité,
d'affection, d'empathie, de compréhension, d'approbation et de respect ne
seront pas satisfaits. Cette certitude a une origine familiale typique : il
s'agit de familles où règnent un climat de séparation, avec explosion,
changement, rejet, punitions. Les parents sont stricts, froids ou bien
maltraitent l'enfant.
Abandon/instabilité
Le manque de stabilité ou de fiabilité, perçu, de ceux qui offrent soutien et
sens de l'appartenance à un groupe. Il s'accompagne du sentiment que les
personnes "importantes" ne continueront pas à donner appui, force ou
protection parce qu'elles sont émotionnellement instables et changeantes (explosions
de colère), peu fiables, ou ne sont pas toujours présentes; parce qu'elles
mourront bientôt ou parce qu'elles abandonneront le patient pour quelqu'un de
"mieux " que lui.
Méfiance/abus
Le patient s'attend à ce que les autres le fassent souffrir, le maltraitent,
l'humilient, mentent, trichent et profitent de lui. En général la souffrance
infligée est perçue comme intentionnelle ou résultant de négligence extrême et
injustifiable. Ceci peut aussi inclure le sentiment d'être constamment
défavorisé par rapport aux autres ou de toujours " tirer la courte paille
".
Manque affectif
Le patient a la certitude que les autres ne donneront pas le soutient affectif
dont il a besoin. On peut distinguer trois catégories principales :
- Manque d'apports affectifs : absence d'attention, d'affection, de chaleur, ou
d'une présence amicale.
- Manque d'empathie : absence de quelqu'un de compréhensif qui vous écoute et
de quelqu'un à qui parler de soi-même.
- Manque de protection : absence de quelqu'un de fort qui guide et conseille.
Imperfection/honte
Le patient se juge imparfait, " mauvais ", inférieur ou incapable; le
révéler entraînerait la perte de l'affection des autres. Ceci peut inclure :
l'hypersensibilité aux critiques, à l'abandon et au blâme. Il peut exister une
gêne, avec des comparaisons avec les autres et un manque de confiance en soi.
Le patient peut ressentir la honte des imperfections perçues, celles-ci peuvent
être internes (par exemple : égoïsme, colère, désirs sexuels inacceptables) ou
externes (par exemple : défaut physique, gêne sociale).
Isolement/aliénation
Le sentiment d'être isolé, coupé du reste du monde, différent des autres et/ou
de ne faire partie d'aucun groupe ou communauté.
SCHÉMAS PRÉCOCES DE MANQUE D'AUTONOMIE ET PERFORMANCE
Les exigences vis-à-vis de soi-même et du monde externe ne
correspondent pas à la capacité (perçue) de survivre, d'agir indépendamment et
d'arriver à une réussite suffisante. Ceci peut être lié à une origine familiale
typique : famille " étouffante " où l'enfant est surprotégé, la
confiance en soi est sapée et les relations en dehors de la famille ne sont pas
encouragées : il en résulte un déficit d'apprentissage des compétences
sociales.
Dépendance/incompétence
Croire à sa propre incapacité de faire face seul aux responsabilités
journalières (par exemple, prendre soin de soi-même, résoudre les problèmes de
tous les jours, faire preuve de bon sens, aborder de nouvelles tâches, prendre
des décisions). Dit souvent, " je suis incapable de….. "
Peur des événements inévitables/incontrôlables
Peur exagérée d'une catastrophe que l'on ne pourra pas éviter. Ces craintes se
portent sur une ou plusieurs possibilités:
- Santé : crise cardiaque, sida
- Émotions : par exemple perde la raison
- Catastrophe naturelle ou phobie : ascenseurs, crime, avions, tremblement de
terre.
Surprotection/personnalité atrophiée
Attachement émotionnel excessif à une ou plusieurs personnes, souvent les
parents, au détriment d'une adaptation sociale normale. Très souvent, croyance
qu'au moins l'un des individus ne peut pas survivre à l'autre, ou être heureux
sans lui. Peut avoir le sentiment d'être étouffé par les autres, ou doute de
lui-même, de sa propre identité. Sentiment d'être vide, sans but; ou, dans des
cas extrêmes, questionne sa propre existence.
Échec
Croyance que l'on a échoué, que l'on échouera, que l'on est incapable de
réussir aussi bien que les autres (études, carrière, sports, etc.). Souvent, le
patient se juge stupide, inepte, sans talent, ignorant, inférieur aux autres,
etc.
SCHÉMAS PRÉCOCES DE MANQUE DE LIMITES
Il peut s'agir de manque de limites internes, de manque de
responsabilité envers les autres, ou de l'incapacité à soutenir des buts à long
terme. Ceci peut mener à des problèmes concernant les droits des autres, ou
concernant ses propres objectifs. L'origine familiale typique est à rechercher
du côté de parents faibles, trop indulgents, qui ne peuvent faire appliquer la
discipline. L'enfant n'est pas encouragé à prendre des responsabilités, à
tolérer un certain manque de confort, ou n'est pas suffisamment surveillé et
guidé.
Droits personnels/dominance
Ceci correspond au besoin de faire, ou d'obtenir, exactement ce que l'on veut
sans considérer ce qu'il en coûte aux autres; ou à une tendance excessive à
affirmer sa force, son point de vue et à contrôler les autres à son propre
avantage sans considérer leur désir d'autonomie. Le sujet est caractérisé par
des exigences excessives et un manque général d'empathie.
Manque de contrôle de soi/discipline personnelle
Le problème central est l'incapacité ou le refus de contrôle de soi. Le patient
ne peut supporter d'être frustré dans ses désirs et est incapable de modérer
l'expression de ses émotions et impulsions. Sous une forme atténuée: le patient
essaie à tout prix d'éviter ce qui est pénible tels que les conflits, les
confrontations, les responsabilités et l'effort, au détriment d'un sens de la
satisfaction personnelle ou de son intégrité.
SCHÉMAS PRÉCOCES DE DÉPENDANCE AUX AUTRES
Ils correspondent globalement à une importance excessive attachée
aux besoins, désirs, réactions des autres, aux dépens de ses propres besoins
afin d'obtenir leur affection ou leur approbation, par peur d'être abandonné ou
pour éviter les représailles. Fréquemment, il existe une colère refoulée dont
le patient n'est pas conscient. Il n'a pas un accès conscient, manque à ses
propres sentiments et tendances. L'origine familiale de ce schéma doit être
recherchée du côté d'une affection qui relève du conditionnel : pour se sentir
aimé de ses parents, pour obtenir leur approbation, l'enfant réprime ses
tendances naturelles. Les besoins des parents (affectifs, sociaux, leur style
de vie) passent avant les besoins et réactions de l'enfant.
Assujettissement
Le comportement, l'expression des émotions, les décisions, sont totalement
soumis aux autres parce ce qu'on se sent forcé d'agir ainsi, en général pour
éviter colère, représailles ou abandon. Selon le patient, ses propres désirs,
opinions et sentiments ne comptent pas pour les autres. En général, il montre
une docilité excessive mais réagit vivement s'il se sent pris au piège. Il
existe presque toujours, une colère refoulée contre ceux à qui il se soumet,
provoquant des troubles de personnalité (par exemple : comportement
passif/agressif, explosion de colère, symptômes psychosomatiques, troubles
affectifs, drogues).
Abnégation
Un souci exagéré de toujours considérer les autres avant soi-même; cette
considération est volontaire. Les raisons sont en général : peur de faire de la
peine aux autres; pour éviter de se sentir coupable d'égoïsme; ou pour
maintenir un contact perçu comme nécessaire aux autres. Mène souvent à une
hypersensibilité aux souffrances des autres. Le patient peut éprouver le
sentiment que ses propres besoins ne sont jamais satisfaits, d'où un
ressentiment envers les autres.
Besoin d'approbation
Le problème central est un besoin excessif de l'attention, de l'estime et de
l'approbation des autres; ou faire ce que les autres demandent, que cela
corresponde ou non à ce que l'on veut de soi-même. L'estime de soi est formée à
partir des réactions des autres et non à partir d'opinions et de valeurs
personnelles. Parfois, une importance exagérée est accordée au style de vie,
aux apparences, à l'argent, à la concurrence ou à la réussite - être le
meilleur, le plus populaire - afin d'obtenir estime ou approbation.
Fréquemment, les choix importants de la vie sont faits sans rapport avec le
sujet; ou sont des choix qui n'apporteront pas de satisfaction;
hypersensibilité au rejet; ou envie de ceux qui ont mieux réussi.
SHÉMAS PRÉCOCES DE SURVIGILANCE ET INHIBITION
Le problème principal est le contrôle exagéré des réactions,
des sentiments et des choix pour éviter les erreurs ou pour maintenir des
règles personnelles rigides dans sa conduite et dans sa performance, souvent
aux dépens d'autres aspects de la vie: plaisirs, loisirs, amis; ou au détriment
de sa santé. Origine familiale typique : sans joie; travail, devoir,
perfectionnisme, obéissance, éviter les erreurs, sont des considérations
beaucoup plus importantes que bonheur, joie, détente. Souvent, pessimisme et
anxiété sont apparents : tout pourrait se désagréger si l'on ne se montre pas
toujours vigilant.
Peur d'événements évitables/négativité
Est au premier plan la crainte exagérée que, dans des contextes divers (travail,
situation pécuniaire, relations interpersonnelles), tout va tourner au pire; ou
bien on retrouve une prise en considération fréquente et persistante de tous
les aspects négatifs de la vie : souffrance, mort, conflit, culpabilité,
ressentiment, problèmes non-résolus, erreurs possibles, etc., qui s'accompagne
d'une minimisation ou d'un déni des aspects positifs et optimistes. Souvent, il
existe une peur exagérée de commettre des erreurs et la crainte de leurs
conséquences : ruine, humiliation, situation intolérable. Ces patients sont
fréquemment anxieux, pessimistes, mécontents, et souvent indécis.
Surcontrôle
Le contrôle excessif des réactions spontanées (actions, sentiments, paroles)
est là généralement pour éviter les erreurs, la désapprobation d'autrui, les
catastrophes, le chaos ou par peur de ne pouvoir maîtriser ses impulsions. On
peut distinguer :
- La répression de la colère et de l'agressivité.
- Le besoin compulsif d'ordre et de précision.
- La répression d'impulsions positives (joie, affection, excitation sexuelle,
jeux).
- L'adhérence excessive à la routine et au rituel.
- La difficulté à reconnaître ses propres faiblesses, ou à exprimer facilement
ses propres sentiments ou besoins. Souvent ces attitudes sont appliquées aux
proches.
Idéaux exigeants
La conviction que l'on doit s'efforcer d'atteindre et de maintenir un niveau de
perfection dans son comportement ou sa performance représente un idéal destiné
à éviter les critiques. Ces exigences amènent à une tension constante;
s'arrêter dans ses efforts ou se détendre devient impossible. Une critique
constante de soi-même et des autres est effectuée. Par conséquent le patient
souffre des déficits de plaisirs, détente, santé, estime de soi, satisfaction
personnelle et relations interpersonnelles. On peut distinguer :
- Le perfectionnisme, importance excessive attachée aux détails et
sous-estimation de sa propre performance.
- Des règles rigides; l'importance du devoir. Ces règles s'appliquent à de
nombreux aspects de la vie : morale, culture, religion.
- Préoccupation constante de temps et d'efficacité : toujours faire plus et
mieux.
Punition
La tendance à se montrer intolérant, très critique, impatient et à " punir
" les autres, et soi-même, s'ils n'atteignent pas le niveau de perfection
que l'on exige. Ceci entraîne : la difficulté à pardonner les erreurs ou les
imperfections - en soi ou chez les autres - l'incapacité de considérer les
circonstances atténuantes; et un manque d'empathie, de flexibilité, ou
l'incapacité d'admettre un autre point de vue.
La rigidité des schémas
La personne "en santé" ajuste ses schémas (ses
croyances) à mesure qu'elle expérimente de nouvelles situations, ce qui lui
permet de développer des comportements variés, adaptés aux différentes
situations. Les schémas inadaptés présents dans les troubles de la personnalité
ont cependant tendance à se maintenir. Young décrit trois types de processus ou
de stratégies qui contribuent à ce maintien. Selon qu'une personne met
davantage en oeuvre l'un ou l'autre de ces types de processus, elle vit
différemment un schéma: elle capitule, fuit ou contre-attaque. La plupart des
gens ont recours à un mélange de ces stratégies.
·
L'évitement des schémas (fuite): La
personne évite de penser à des questions reliées au schéma et évite les
situations qui peuvent activer le schéma et faire vivre des sentiments négatifs
de tristesse, de honte, d'anxiété ou de colère. Elle est souvent inconsciente
de l'existence de son schéma. Elle le nie. La personne avec un sentiment
d'imperfection peut fuir l'intimité. La personne avec un schéma d'exclusion
peut fuir les rassemblements, les réunions de travail, les congrès, les partys.
La personne ayant le schéma d'échec peut fuir le travail, les études et les
nouveaux projets. La personne avec un schéma de dépendance peut fuir les
situations où elle doit faire preuve d'autonomie. Ces évitements empêchent de
tester ses schémas et de les modifier graduellement.
·
La compensation (contre-attaque):
La personne pense et réagit de façon opposée à son schéma. Cependant ses
comportements sont souvent trop extrêmes et contribuent à maintenir son schéma.
Par exemple, la personne avec un schéma de carence affective peut tellement
réclamer d'attention qu'elle éloigne les autres et se retrouve encore plus
privée d'affection. Une personne peut développer un sentiment de supériorité
qui est à l'opposé du sentiment d'imperfection vécu dans l'enfance. Elle peut
consacrer beaucoup d'énergie à son prestige et à sa situation sociale et
choisir ses relations de façon à se sentir supérieur. Cette contre-attaque
empêche toutefois, entre autres, l'intimité.
La
conscientisation des schémas
La personne
pour qui un ou des schémas représentent un problème n'en a souvent pas
conscience. Soit parce que les croyances associées à ces schémas lui semblent
tellement naturelles et évidentes qu'elles ne sont pas remarquées, soit parce
qu'elle évite ou contre-attaque (voir La rigidité des schémas). Toutefois, ces
schémas déterminent l'interprétation des situations que la personne vit,
c'est-à-dire ce qu'elle se dit au sujet de ces situations. Ces interprétations
sont des pensées observables donc plus facilement accessibles à la conscience.
Elles sont communément appelées "pensées automatiques". Par exemples:
qu'est-ce que les gens vont dire?; il faut que tout soit fait à temps; comment
osent-ils me traiter ainsi?; il se désintéresse de moi; je ne suis pas capable de
rester seule, etc.. Les pensées automatiques manquent souvent d'objectivité.
Elles sont logiques par rapport aux croyances sous-jacentes mais elles sont
souvent inexactes dans la situation vécue. Dans le Dossier Dépression, section
Processus cognitifs, nous décrivons les distorsions cognitives par lesquelles
la réalité peut être déformée.
Ces
interprétations de la réalité déterminent les émotions et les comportements.
Par exemple, la personne obsessionnelle-compulsive peut être anxieuse dans une
situation où elle craint de ne pas performer assez bien. Ce qui peut l'amener à
prendre trop de temps et d'énergie, à dépasser ses limites et à négliger
d'autres besoins pour que tout soit parfait dans les moindres détails, etc.. La
personne narcissique peut devenir agressive si elle n'obtient pas un traitement
de faveur. C'est l'observation des pensées automatiques, des réactions émotives
et des comportements qui peuvent mettre la puce à l'oreille concernant les
croyances qui les sous-tendent.
Troubles
de personnalité et santé mentale
Lorsqu'activés,
les schémas inadaptés provoquent des émotions intenses qui mènent fréquemment
directement ou indirectement à divers problèmes psychologiques souvent associés
aux troubles de la personnalité, tels la dépression, l'anxiété, la panique, la
solitude, les relations destructrices, l'abus d'alcool, de drogue, de
nourriture et des désordres psychosomatiques (ex. ulcères, insomnie). Le plus
souvent c'est au sujet de l'un de ces problèmes que la personne souffrant d'un
trouble de la personnalité consulte un(e) psychologue ou un médecin.
à Que faire pour cheminer par rapport à un trouble de la
personnalité ?
Si vous
êtes dans une période où vous éprouvez des difficultés sérieuses à vous
adapter, nous vous conseillons de consulter un professionnel (médecin ou
psychologue) afin de recevoir un diagnostic juste et le traitement ou l'aide
appropriés.
Les
croyances (schémas) et comportements inadaptés qui caractérisent les troubles
de la personnalité sont relativement difficiles à changer (voir section Modèle
cognitif). Des schémas moins rigides et envahissants, donc plus faciles à
changer, peuvent aussi sous-tendre de simples traits de personnalité qui
auraient intérêt à être modifiés, comme nous en avons probablement tous. Nous décrivons
dans ce qui suit quelques stratégies qui peuvent permettre de faire des pas
dans ce sens que vous présentiez un trouble ou des traits de personnalité.
Beaucoup de persévérance et d'intérêt dans la démarche sont nécessaires pour
améliorer son adaptation. Il s'agit d'abord de prendre conscience du problème
puis de modifier graduellement son fonctionnement.
Prendre
conscience de la problématique
-
S'auto-observer
L'auto-observation
est essentielle pour prendre conscience de son fonctionnement par rapport à
quelque problématique que ce soit: l'anxiété, la dépression, le stress, etc.
et... les traits ou troubles de la personnalité. Il s'agit d'observer:
· les états émotifs,
· les situations dans lesquelles se produit un état émotif,
· les pensées qui provoquent et entretiennent un état émotif,
· les comportements reliés à un état émotif ou à une situation.
Les gens
souffrant d'un trouble de la personnalité ont souvent de fortes réactions
émotives dans des situations courantes de la vie. Ces moments où des émotions
telles que l'anxiété, la tristesse ou la colère, etc. sont présentes
constituent de bonnes occasions pour observer les pensées automatiques,
c'est-à-dire ce que l'on se dit sur la situation. Par exemple, si son
partenaire souhaite faire une sortie seul, une personne peut se sentir triste,
ce qui est l'occasion d'observer qu'elle se dit: "Il se détache de
moi."; "C'est une soirée perdue parce que je suis seule.", etc..
Une personne qui se sent sous pression au travail peut prendre le temps d'observer
qu'elle se dit: "Mon patron va me trouver inefficace si je ne réussis pas
à tout faire.". Une personne qui ne développe pas ses propres loisirs peut
être irritée et en vouloir à son partenaire de ne pas être disponible.
En ce qui
concerne l'observation des comportements, une personne peut remarquer, par
exemples, qu'elle évite de s'intégrer socialement, qu'elle se surmène, qu'elle
ne prend pas ses propres décisions, qu'elle ne se soucie pas des autres,
qu'elle s'occupe des besoins des autres à son propre détriment, qu'elle
n'entreprend rien seule, etc..
- Faire
des liens
Diverses
observations qui vont dans le même sens permettent de soupçonner l'existence
d'un schéma inadapté. De tels schémas ont habituellement été présents tout au
long de la vie et on peut en retracer l'origine dans l'enfance. On peut souvent
se souvenir d'avoir éprouvé des sentiments similaires dans l'enfance (ex. peur
d'être abandonné, nécessité de performer) ou de s'être comporté de façon
similaire (ex. avoir pris les responsabilités qu'un des parents ne réussissait
pas à prendre). Ou encore, on peut reconnaître que sa famille d'origine
présentait les caractéristiques qui, logiquement, peuvent favoriser le
développement du schéma dont on prend conscience.
-
S'informer
Nous suggérons
la lecture de "Je réinvente ma vie" de Young et Klosko. Bien que pas
tout à fait à date par rapport à l'avancement des travaux de Young (il
identifiait alors 11 schémas plutôt que 18), il s'agit, à notre connaissance,
du seul livre en français destiné au public portant sur l'approche cognitive
des troubles de la personnalité. Ce livre décrit de façon détaillée chacun des
schémas et suggère plusieurs stratégies pour changer son fonctionnement.
Modifier
son fonctionnement
- Mettre
ses pensées automatiques à l'épreuve
Il est
plus facile de modifier les pensées automatiques (ce que l'on se dit des
situations que l'on vit) telles que "C'est terrible, je n'ai pas payé mes
factures." que le schéma sous-jacent: "Je suis une mauvaise
personne.". Sous l'influence d'un schéma, les pensées automatiques sont
souvent le résultat de jugements erronés ou de distorsions cognitives. Dans le
Dossier Dépression, section Processus cognitifs, vous trouverez une liste de
distorsions cognitives. Il s'agit de questionner le bien-fondé de ses pensées
automatiques. Est-ce qu'une pensée peut être le résultat d'une distorsion?
A-t-on des preuves ? Est-ce que certains faits pourraient suggérer une façon
alternative de considérer les choses? Etc. Par ailleurs, une stratégie efficace
pour remettre en question ses pensées est d'expérimenter, en changeant son
comportement habituel, afin d'en tester la validité. Par exemple, la personne
qui croit ne rien pouvoir faire seule peut graduellement se fixer des objectifs
réalistes à réaliser par elle-même et constater qu'elle a des capacités; la
personne qui croit que tout doit être fait à la perfection le plus rapidement
possible peut graduellement apprendre à s'accorder des moments de répit
lorsqu'elle est fatiguée et constater qu'il n'y a pas à cela de conséquences
terribles.
-
Identifier les comportements à modifier et des comportements alternatifs
Une bonne
stratégie est de faire une liste des comportements qui vous nuisent. (par ex.
s'accrocher à son partenaire pour l'empêcher de sortir, ne pas s'affirmer,
etc.) et une liste de façons alternatives de se comporter. Donnez-vous comme
objectif de changer un comportement à la fois. En changeant les comportements
qui nuisent, on se permet d'expérimenter et de changer graduellement ses façons
de voir.
-
S'informer
Le livre "Je réinvente ma vie" peut. Vous pouvez aussi rechercher des
livres pour vous aider par rapport à des problématiques spécifiques: vous
pourrez apprendre à vous affirmer si vous réalisez que vous vous sacrifiez trop
facilement pour autrui (schéma assujettissement), à gérer le stress et votre
énergie si vous vous surmenez (schéma exigences élevées), à négocier si vous
avez tendance à être égocentrique (schéma que tout est dû), etc..
à Références